URGENCES AUX ABRIS

En cette période de gel, nous allons devoir une nouvelle fois subir le triste décompte des morts de froid, parmi les laisser pour compte du logement d'urgence.

Qui mieux que le Samusocial créé en 1993 par le Docteur Xavier Emmanueli, peut nous aider à comprendre les raisons de cet échec ?

Le 12 avril 1999 était lancé l'Observatoire du Samusocial de Paris, chargé grâce à sa connaissance du terrain et ses données d'activités, d'identifier et d'analyser les problématiques des personnes en grande précarité.

Le 21 février 2008, Le premier ministre François Fillon nommait Alain Régnier, préfet, délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri.

C'est tout naturellement donc, que le préfet sollicitait à l'hiver 2009, l'Observatoire du Samusocial, à l'effet de participer à une étude auprès des personnes rencontrées dans la rue par leurs équipes mobiles.

Ce même hiver, le débat politique nourrissait des points de vue contradictoires quant à la prise en charge des personnes à la rue en cas d'épisode climatique extrême.

C'est donc sous l'égide du préfet Régnier, qu'un « groupe de réflexion proposait de lancer une enquête pour recueillir l'avis des personnes concernées et des personnes de terrain ».

L'enquête de terrain à laquelle s'est livré l'Observatoire du Samusocial, entre février et avril 2009, a permis d'apprendre que le refus des mises à l'abri étaient essentiellement dus aux critiques des centres d'hébergement d'urgence qui ne semblent pas correspondre aux attentes des sans abri.

S'agissant des « pistes de réflexion » inspirées par cette étude, l'Observatoire du Samusocial estimait que «l'expérience des personnes rencontrées par les équipes de maraude suggérait que le dispositif d’accueil et d’hébergement n’est globalement pas adapté à leurs attentes et qu'elle paraît plaider en faveur de la mise en place d’une offre de services plus accessible, plus souple et plus diversifiée».

Il semblerait depuis, que les débats politico-politiciens l'aient emportés sur le devenir des situations les plus critiques, notamment lorsqu'un sans abri particulièrement vulnérable et fragilisé, refuse un hébergement par grand froid.
  • Certaines associations contestent la logique d'urgence elle même, au profit d'une politique globale et pérenne du logement dont on sait pourtant qu'en période de crise, elle tardera à porter ses fruits.
  • D'autre justicier autoproclamé organise des « campements solidaires », façon  « apéro géant » médiatiquement efficaces pour qui veut faire parler de lui.
  • D'autres encore diluent l'urgence due aux conditions extrêmes de l'hiver avec celle liée aux violences quotidiennes subies tout au long de l'année, comme pour asseoir une expertise niaisement improvisée.
Les retours d'expérience du Samusocial, dont certaines équipes de maraude dite « pure » se sont spécialisées dans « la rencontre d’usagers peu vus et très isolés, indifférents aux services d’aide sociale », n'intéressent que peu la sphère bienséante des débatteurs.

Il faudrait bien pourtant que le groupe de réflexion s'inspire enfin des « pistes de réflexion » acquises à force  de malheurs débusqués, le jour, la nuit, sous la pluie, dans le froid, dans le vent,  auprès de ces jusqu'au-boutistes du refus d'être aidés.

Cette « demande de services plus accessible, plus souple et plus diversifiée », sociablement et socialement  décryptée dans les propos fébriles et malhabiles des mal lotis de la vie, faut t'il l'ignorer au prétexte et au profit d'un droit opposable que ceux là ne revendiqueront jamais.

L'idée que j'émets aujourd'hui est de permettre dans les cas les plus critiques de refus d'hébergement, que les équipes du Samusocial de Paris puissent proposer ponctuellement au sans abri, le recours à un service justement plus accessible et plus souple.

  • Nous savons que le sans abri qui refuse l'hébergement d'urgence par grand froid vit parfois en couple, une fois sur trois accompagné d'un animal domestique, et souvent en possession d'un chariot qui contient des objets qui lui sont chers.
  • Il sait pouvoir compter sur la charité et plus encore la sympathie du voisinage qu'il connait bien et dont il ne veut pas s'éloigner, même s'il se rend dans les centres uniquement pour manger.
  • Il dit préférer dormir dans la rue plutôt que dans des dortoirs, à cause des bagarres, de la proximité, du bruit, des vols, du racket. 

Pour toutes ces raisons, ce sans abri, même malade, refusera obstinément l'hébergement qui lui est proposé.

Sauf bien sûr, si cet hébergement se trouve sur place ou à proximité, s'il préserve son intimité, s'il lui garantit quelques jours ou quelques nuits durant de pouvoir conserver à ses côtés en toute sécurité, sa compagne ou son compagnon, son animal de compagnie, ses baluchons.

Ce service justement plus accessible et plus souple existe, il s'agit des « modules que je qualifierai d'ambulatoires »  de type préfabriqués habitables isolés, avec des fenêtres PVC double vitrage, un convecteur électrique de 2 kilowats, WC autonome et sanitaire fixe.

Et voilà que je choque, tant il était bienséant de débattre, sans les solutions qui fâchent, brutes de discours, mais tellement plus souples et accessibles, et surtout si proches des exigences.

Bien sûr j'imagine tout ceux qui à me lire vont s'empresser de « tirer sur l'ambulance » dénoncer une nouvelle fois ce type d'habitat indigne, arc-boutés à réclamer la construction d'urgence des 900 000 logements sociaux qui manquent à la France et la réhabilitation des 10 millions de logements insalubres.

Il est tellement plus facile de jeter une couverture, une quetchua, ouvrir un gymnase ou une station de métro.

Il ne s'agit pas de remettre en question bien sûr les exigences d'une politique ambitieuse du logement, mais simplement de répondre très ponctuellement pour quelques jours ou quelques nuits seulement à l'extrême urgence des situations les plus critiques.

A Paris, l'installation expérimentale d'une quarantaine de ces « modules ambulatoires » à proximité immédiate de chacun des sans abris les plus exposés, permettrait de juger des facultés de réinsertion de ces personnes en situation de danger et d'exclusion.

La confiance restaurée permettrait peu à peu en quelques jours, quelques semaines tout au plus de guider la personne vers des structures qui lui conviennent et en tout cas de la préserver lors des épisodes climatiques les plus extrêmes.

Les « modules ambulatoires »  « permettraient de diagnostiquer, traiter, suivre les sans abri les plus fragiles ou les plus désociabilisés, sans que ceux-ci ne soient hébergés dans des centres et tout en leur permettant de garder leurs habitudes ».

Ces modules pourraient bien sûr être soumis à un agrément d'habitabilité à l'image des installations dites de « base-vie » destinées à l'hébergement des ouvriers en déplacement. Les modules les plus petits mesurent environ 2 mètres sur 2 mètres 50, ils sont mobiles, discrets, peu coûteux à l'achat ou à la location au regard du coût du Pole d'Hébergement et de Réservation Hôtelière (PHRH).

La mise en place de ces modules pourrait être contrôlée à Paris dans le cadre du  « Plan Communal de Sauvegarde » qui gère les évènements de Sécurité Civile, comme ceux liés aux phénomènes climatiques tels que le « Plan Grand Froid » avec le concours des associations au premier rang desquelles le Samusocial.