LA RIVIÈRE ESPÉRANCE

Voici l'ébauche d'une idée susceptible de contribuer à la création de mille à deux mille emplois voir bien plus, dans un secteur maintes fois évoqué, mais qui bute à chaque fois sur son mode de financement.

Le Centre d'Analyse Stratégique créé en 2006, rattaché au premier ministre a pour mission d'éclairer le gouvernement dans la mise en oeuvre de ses orientations stratégiques en matière économique, sociale, environnementale ou culturelle.

Il évoque lui même les perspectives de « fortes créations d'emplois dans certaines filières vertes qui bénéficient des mesures du Grenelle de l'environnement ».

Le chapitre 4 de la Loi Grenelle 2 traitant de la Biodiversité, notamment les sections 2, 3 et 4 en relation avec la protection des cours d'eau et des corridors écologiques, ne semble pourtant pas avoir été directement inspiré par ces « férus » de l'emploi vert.

L'occasion était pourtant bien trop belle d'augmenter de façon très conséquente le nombre de « techniciens de rivière » et surtout des « agents techniques polyvalents d'entretien des cours d'eau ».

Le financement de l'entretien de nos 270 000 kilomètres de cours d'eau non domaniaux reste un sujet délicat, au point que l'on a préféré en l'état, qu'il reste de la responsabilité du seul riverain.

Au terme de l'article L215-14 du Code de l'Environnement, le riverain propriétaire d'un cours d'eau est tenu à son « entretien régulier » ainsi que celui de la rive sur laquelle il est par ailleurs tenu de laisser circuler librement les pêcheurs et promeneurs (article L2131-2 du Code Général de la propriété des personnes publiques). Sa responsabilité civile serait engagée en raison d'un « acte fautif ».  Une lourde menace donc pour le riverain qui par précaution n'a d'autre alternative que de sécuriser et d'entretenir les lieux.

Si le propriétaire ne s'acquitte pas de cette obligation, il peut y être mis en demeure par la collectivité, qui peut y pourvoir d'office à la charge de l'intéressé. (Article L215-16 du Code de l'Environnement).

Bien sûr, les collectivités, dans leur sagesse, n'ont que très peu recours à cette disposition et le plus souvent, au nom de travaux d'utilité publique, ce sont les fonds publics qui prennent le relais, sous la forme de plans pluriannuels » d'entretien des cours d'eau, autorisés par le préfet pour cinq ans.

Cependant, nos deux cent soixante dix mille kilomètres de cours d'eau non domaniaux (et deux fois plus de berges) restent les parents pauvres de ces plans qui ne concernent bien souvent que les berges des rivières domaniales.

Le vote de la Loi sur l'eau du 30 décembre 2006 qui a autorisé la promenade sur toutes les berges domaniales ou non, a contribué à la création de collectifs « anarchisants » trop contents de cette première brèche sérieuse dans le droit de la propriété, sous couvert d'une servitude ancestrale.

Tôt ou tard les riverains ruraux des cours d'eau non domaniaux, recevront aussi leur contingent de lettres recommandées, sommés qu'ils seront de sourire au passage des banderoles.

En mai 2010, nos députés auraient été mieux inspirés à l'occasion de la discussion sur la Loi Grenelle 2, et s'agissant de la protection des cours d'eau, de bâtir un vrai projet économique et environnemental ambitieux qui sorte enfin du statu quo.

Jusqu'en 2006, il n'y avait que les pêcheurs encartés et assurés qui outre les riverains pouvaient profiter du spectacle de ces eaux frémissantes.

Quelques semaines dans l'année, quelques autres, permis de chasse et assurance en poche, avaient également le droit de venir y débusquer quelques gibiers d'eau.

Tous avaient un intérêt évident à la préservation de cet espace. Chacun investissant pécuniairement par le biais de sa fédération pour participer de ci de là à la reconquête de la flore ou de la faune de ces milieux humides.

Or, depuis 2006 et sa Loi sur l'eau, tout un chacun, flâneur, promeneur, rôdeur, curieux, voyeur, dès lors qu'il déambule sur ses seuls pieds, a le droit de pénétrer sur un terrain privé au seul motif de venir y contempler « l'écosystème aquatique, la bonne tenue de ces berges bien élaguées et recépées, la végétation arborée débarrassée de ses embâcles et l'écoulement naturel d'une eau sans débris », le tout bien évidemment exempt de tout « acte fautif » du propriétaire élagueur.

Dans le même temps, les cavaliers, les vététistes, pourtant dûment assurés et encartés et au centre des attentions quant aux activités du « tout terrain durable » et du « déplacement altermodal », devront quant à eux se tenir bien à distance de ces berges rafraîchissantes.

Même les randonneurs pédestres eux aussi assurés et fédérés,admettent qu'il est parfois bien difficile de raisonner des simples promeneurs, souvent mal équipés pour arpenter des berges parfois naturellement dangereuses, accompagnés souvent d'animaux non tenus en laisse et d'enfants pas véritablement surveillés, prompts à mutiler arbres ou arbustes, l'orchidée sauvage à la boutonnière.

Les berges et plus encore celles des cours non domaniaux, présentent des risques sérieux pour les novices de la randonnée que ce soit du fait d'une flore d'adventices toxiques ou encore d'une faune mal connue, vivipare par exemple ou encore des mammifères très répandus tels que le ragondin dont la séroprévalence de la leptospirose serait comprise en France entre 48 et 52 pour cent.

Le site de l'observatoire des chemins, donne une assez bonne physionomie du ressenti des randonneurs vis à vis de ceux qu'ils sont amenés à croiser sur leurs chemins, et l'on constatera que les simples promeneurs ne sont pas toujours les mieux perçus.

L'occasion était donc historique pour le législateur à l'occasion de la Loi Grenelle 2, de prendre enfin la dimension de cet énorme chantier et de s'appuyer sur les fédérations responsables de pêcheurs, de chasseurs, d'équitation, de randonnées pédestres, de vélos tout terrain et sûrement bien d'autres, qui s'investissent déjà énormément dans la sauvegarde de notre patrimoine environnemental.

Permettre à toutes ces personnes fédérées et responsables, d'accéder au rythme de leurs aménagements à ces 270 000 kilomètres de cours d'eau non domaniaux, moyennant une modeste redevance qui permettrait rapidement de créer le  millier de postes d'agents techniques polyvalents d'entretien des cours d'eau qui nous manque.

Ce sont de fait, près de trois millions et demi de personnes, qui moyennant un forfait « marchepied » de sept euros à dix euros par exemple, perçu à chaque renouvellement de licence, permettraient de rétribuer de mille à deux mille techniciens de rivière ou agents d'entretien des cours d'eau

Les pêcheurs, chasseurs, randonneurs à pied à cheval ou à vélo, titulaires d'une carte, d'un permis ou d'une licence, affiliés à un organisme tenu de leur remettre en échange de ce forfait obligatoire, un « guide de bonnes pratiques » de la servitude de marchepied, seraient par ailleurs couverts par leur assurance responsabilité civile.

Les pêcheurs déjà autorisés auraient l'assurance à terme de pouvoir bénéficier d'un réseau de cours d'eau entretenu bien plus étendu que celui auquel ils ont accès aujourd'hui.

Les simples promeneurs qui voudraient pouvoir profiter des itinéraires aménagés sur les servitudes de marchepied des cours d'eau non domaniaux, auraient bien sûr la possibilité de souscrire eux aussi à un forfait « marchepied » certes plus onéreux, mais qui couvriraient aussi les risques encourus et le coût du guide de bonnes pratiques.

De quoi rassurer les propriétaires riverains de ces cours d'eau, qui auraient enfin à leur disposition un « technicien de rivière référent » susceptible de concourir pleinement avec eux à la recherche d'un juste équilibre.

Et pourquoi pas imaginer, sur les terres agricoles, que la « couverture végétale permanente » de cinq mètres sur chaque rive prévue à l'article L211-14 du Code de l'environnement soit également accessible aux personnes qui viennent d'être énumérées, puisque l'état a prévu de dédommager les propriétaires de l'éventuel manque à gagner.

Le « Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée » élaboré par les conseils généraux, pourrait dès lors inclure dans ses itinéraires, les emprises des servitudes dites de marchepied, selon les modalités en vigueur dans les départements.

De la même manière, tous les licenciés des fédérations qui encadrent les  « sports nautiques », (aviron, canoé, kayac, etc ...), soit environ 100 000 adhérents, seraient assurés d'évoluer dans des eaux plus propres, avec des berges plus sûres et pourraient également être mis à contribution dans le cadre de la perception du forfait marchepied.

Les plaisanciers eux mêmes pourraient trouver quelque intérêt à contribuer à cette solidarité environnementale, très profitable au tourisme et au regain de tous types de randonnées.
Et pour ne pas être en reste vis à vis des touristes étrangers adeptes des promenades au bord de l'eau, les offices de tourisme pourraient eux mêmes proposer de tels forfaits saisonniers.

Une opportunité à terme de créer quelques 5 000 emplois verts et surtout de valoriser notre patrimoine touristique et environnemental.

Cette mesure ne préjugerait en rien par ailleurs d'une participation aux frais du propriétaire riverain du cours d'eau, dès lors qu'il pourrait bénéficier par exemple en tant que bois de chauffage, des coupes et élagages réalisées sur son emprise.

Ces dispositions permettraient par ailleurs de conforter beaucoup d'entreprises d'entretien d'espaces verts susceptibles d'avoir à former des « agents techniques polyvalents » dont on sait qu'ils seraient surtout employés à la belle saison, tandis que les entretiens de cours d'eau sont effectués principalement en hiver.

Il y a lieu de préciser que cette proposition ne concerne que les cours d'eau non domaniaux, tant il parait normal que chacun puissent librement se promener sur les berges de nos rivières domaniales, si tant est cependant que l'entretien en revienne là aussi aux collectivités.